Lyoness
Du cash-back au système pyramidal
Se présentant officiellement comme un système de diffusion de cartes de fidélité, la société d’origine autrichienne Lyoness a suscité des plaintes dans son pays d’origine, mais également en Suisse et en France.
Lyoness
Fondée en 2003 et connue en France depuis 2009, la communauté Lyoness, parfois également appelé Lyconet, revendique plus de 4,5 millions de membres à travers le monde, à qui elle promet de « profiter gratuitement et sans engagement d’avantages lors de leurs achats ». Le fonctionnement est très simple : vous adhérez, vous recevez une carte de fidélité, vous bénéficiez de réductions dans un vaste réseau de magasins. Bref, un inoffensif système de « cash-back » comme il en existe beaucoup d’autres.
Un examen plus attentif révèle néanmoins des bizarreries dans le système. Tout d’abord, si la carte de réduction est « gratuite », les adhérents doivent au préalable verser un acompte – non remboursable et non utilisable tel quel – pouvant aller jusqu’à 2 000 € pour les membres « Premium » ! Ces acomptes sont présentés comme une « avance sur les futures réductions ». Petit calcul : à 5 % de réduction, il faudra 40 000 € d’achat pour amortir l’avance…
Deuxième problème : selon nos constatations, plusieurs partenariats revendiqués avec de grandes enseignes sont démentis par ces dernières. « Nous n’avons pas de lien avec Lyoness et nous n’offrons pas de cash-back », précise Topshop. Même discours chez Carrefour. Inutile d’interroger les employés de Carrefour, écrit d’ailleurs sur son blog Éric M., membre de Lyoness : « Ils ne sauront pas vous répondre. » Quant aux promotions « exclusives » Lyoness chez But, l’Occitane ou Desigual, elles semblent très souvent proposées même sans la carte, à tous les clients.
« Système pyramidal déguisé »
Mais est-ce finalement si important ? Pour gagner de l’argent avec Lyoness, il suffit d’attirer de nouveaux membres. Les adhérents l’admettent avec une spontanéité déconcertante. Selon Norbert, il s’agit d’un « programme de fidélisation et de recommandation ». Par un rapide calcul, Norbert nous démontre que pour augmenter ses gains, il suffit de multiplier les recrutements… Un autre membre, Alphonse (les prénoms ont été changés), affirme quant à lui que « la réussite chez nous consiste à comprendre le concept et à le diffuser, que ce soit à temps partiel ou à temps plein ». Comme dit souvent Hubert Friedl, le P-DG de Lyoness, « ensemble, nous sommes forts ».
Le magazine suisse « Beobachter » a enquêté sur Lyoness en 2010. Il en a conclu que 99,7 % du chiffre d’affaires venait des acomptes versés par les membres. À ce stade, Lyoness ressemble fort à un « système pyramidal déguisé », dans lequel « l’essentiel des gains du réseau provient des dépenses des adhérents nouvellement recrutés », selon les termes de la DGCCRF. Un système évidemment illégal.
Les membres démentent, sans surprise. « Si c’était vraiment pyramidal, écrit Houba sur un forum, le système aurait déjà été interdit partout en Europe, car les législations de la plupart des pays européens sont en phase sur le fait d’interdire les systèmes pyramidaux. Or, on constate que le système fonctionne librement dans de nombreux pays depuis plusieurs années. »
Enfin, presque. En Autriche, plusieurs jugements ont conclu au caractère pyramidal du système Lyoness. La société fait l’objet d’une enquête dans son pays d’origine, mais aussi en Australie, où l’Australian Competition and Consumer Commission a saisi la justice en août 2014. L’affaire est en cours. En France, Me Anne-Valérie Pinet, avocate à Valence, a défendu plusieurs particuliers qui se disaient victimes de Lyoness. « La société les a remboursés à chaque fois sans aller jusqu’au procès, probablement pour éviter une publicité malencontreuse. » Au moins une plainte a été déposée en 2011 dans la Drôme, et une autre en 2013 au parquet de Paris. Selon nos informations, le service des enquêtes nationales de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) travaille sur le dossier. Lyoness France, immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Sarreguemines (Moselle), affichait 3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013. Les comptes 2014 ne sont pas disponibles.
Peut-être pour oublier ces soucis, la chaîne Lyoness TV (www.lyoness.tv/) déploie des trésors d’enthousiasme en ligne. Public survitaminé de la convention 2015 à Las Vegas, reportages sur la magie de Lyoness… Adhérer, c’est s’enrichir, mais aussi faire le bien à travers des associations caritatives, qui ont « attiré l’attention de Nelson Mandela »… Faute de pouvoir contacter le prix Nobel de la paix, décédé en décembre 2013, nous avons tenté de joindre la société par l’intermédiaire de son avocat en France. Sans succès.
Vente pyramidale et vente multiniveau, une frontière floue
La vente pyramidale – également connue sous le nom de système de Ponzi ou vente « à la boule de neige » – est une forme d’escroquerie consistant à tirer un bénéfice du recrutement de nouveaux membres en promettant des gains futurs. Une fois ces personnes entrées dans le système, c’est à leur tour d’encourager de nouveaux individus à rejoindre la communauté. Plus il y a de membres et plus les étages supérieurs de la pyramide gagnent. L’effondrement survient dès que le recrutement ralentit. Dans la vente pyramidale déguisée, les sommes demandées prennent la forme de frais d’inscription, d’un achat de produits ou d’une autre forme d’acompte. Ce système est fréquemment confondu avec la vente multiniveau (aussi appelée marketing multiniveau, vente directe en réseau…) qui est quant à elle légale, bien que strictement encadrée par la loi. En marketing multiniveau, le membre acquiert le statut de vendeur à domicile indépendant (VDI). Il ne vit pas du recrutement de nouveaux membres.
Anne-Sophie Bedel avec Erwan Seznec ([email protected])
Lien sur l'article original de Que Choisir
Du cash-back au système pyramidal
Se présentant officiellement comme un système de diffusion de cartes de fidélité, la société d’origine autrichienne Lyoness a suscité des plaintes dans son pays d’origine, mais également en Suisse et en France.
Lyoness
Fondée en 2003 et connue en France depuis 2009, la communauté Lyoness, parfois également appelé Lyconet, revendique plus de 4,5 millions de membres à travers le monde, à qui elle promet de « profiter gratuitement et sans engagement d’avantages lors de leurs achats ». Le fonctionnement est très simple : vous adhérez, vous recevez une carte de fidélité, vous bénéficiez de réductions dans un vaste réseau de magasins. Bref, un inoffensif système de « cash-back » comme il en existe beaucoup d’autres.
Un examen plus attentif révèle néanmoins des bizarreries dans le système. Tout d’abord, si la carte de réduction est « gratuite », les adhérents doivent au préalable verser un acompte – non remboursable et non utilisable tel quel – pouvant aller jusqu’à 2 000 € pour les membres « Premium » ! Ces acomptes sont présentés comme une « avance sur les futures réductions ». Petit calcul : à 5 % de réduction, il faudra 40 000 € d’achat pour amortir l’avance…
Deuxième problème : selon nos constatations, plusieurs partenariats revendiqués avec de grandes enseignes sont démentis par ces dernières. « Nous n’avons pas de lien avec Lyoness et nous n’offrons pas de cash-back », précise Topshop. Même discours chez Carrefour. Inutile d’interroger les employés de Carrefour, écrit d’ailleurs sur son blog Éric M., membre de Lyoness : « Ils ne sauront pas vous répondre. » Quant aux promotions « exclusives » Lyoness chez But, l’Occitane ou Desigual, elles semblent très souvent proposées même sans la carte, à tous les clients.
« Système pyramidal déguisé »
Mais est-ce finalement si important ? Pour gagner de l’argent avec Lyoness, il suffit d’attirer de nouveaux membres. Les adhérents l’admettent avec une spontanéité déconcertante. Selon Norbert, il s’agit d’un « programme de fidélisation et de recommandation ». Par un rapide calcul, Norbert nous démontre que pour augmenter ses gains, il suffit de multiplier les recrutements… Un autre membre, Alphonse (les prénoms ont été changés), affirme quant à lui que « la réussite chez nous consiste à comprendre le concept et à le diffuser, que ce soit à temps partiel ou à temps plein ». Comme dit souvent Hubert Friedl, le P-DG de Lyoness, « ensemble, nous sommes forts ».
Le magazine suisse « Beobachter » a enquêté sur Lyoness en 2010. Il en a conclu que 99,7 % du chiffre d’affaires venait des acomptes versés par les membres. À ce stade, Lyoness ressemble fort à un « système pyramidal déguisé », dans lequel « l’essentiel des gains du réseau provient des dépenses des adhérents nouvellement recrutés », selon les termes de la DGCCRF. Un système évidemment illégal.
Les membres démentent, sans surprise. « Si c’était vraiment pyramidal, écrit Houba sur un forum, le système aurait déjà été interdit partout en Europe, car les législations de la plupart des pays européens sont en phase sur le fait d’interdire les systèmes pyramidaux. Or, on constate que le système fonctionne librement dans de nombreux pays depuis plusieurs années. »
Enfin, presque. En Autriche, plusieurs jugements ont conclu au caractère pyramidal du système Lyoness. La société fait l’objet d’une enquête dans son pays d’origine, mais aussi en Australie, où l’Australian Competition and Consumer Commission a saisi la justice en août 2014. L’affaire est en cours. En France, Me Anne-Valérie Pinet, avocate à Valence, a défendu plusieurs particuliers qui se disaient victimes de Lyoness. « La société les a remboursés à chaque fois sans aller jusqu’au procès, probablement pour éviter une publicité malencontreuse. » Au moins une plainte a été déposée en 2011 dans la Drôme, et une autre en 2013 au parquet de Paris. Selon nos informations, le service des enquêtes nationales de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) travaille sur le dossier. Lyoness France, immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Sarreguemines (Moselle), affichait 3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013. Les comptes 2014 ne sont pas disponibles.
Peut-être pour oublier ces soucis, la chaîne Lyoness TV (www.lyoness.tv/) déploie des trésors d’enthousiasme en ligne. Public survitaminé de la convention 2015 à Las Vegas, reportages sur la magie de Lyoness… Adhérer, c’est s’enrichir, mais aussi faire le bien à travers des associations caritatives, qui ont « attiré l’attention de Nelson Mandela »… Faute de pouvoir contacter le prix Nobel de la paix, décédé en décembre 2013, nous avons tenté de joindre la société par l’intermédiaire de son avocat en France. Sans succès.
Vente pyramidale et vente multiniveau, une frontière floue
La vente pyramidale – également connue sous le nom de système de Ponzi ou vente « à la boule de neige » – est une forme d’escroquerie consistant à tirer un bénéfice du recrutement de nouveaux membres en promettant des gains futurs. Une fois ces personnes entrées dans le système, c’est à leur tour d’encourager de nouveaux individus à rejoindre la communauté. Plus il y a de membres et plus les étages supérieurs de la pyramide gagnent. L’effondrement survient dès que le recrutement ralentit. Dans la vente pyramidale déguisée, les sommes demandées prennent la forme de frais d’inscription, d’un achat de produits ou d’une autre forme d’acompte. Ce système est fréquemment confondu avec la vente multiniveau (aussi appelée marketing multiniveau, vente directe en réseau…) qui est quant à elle légale, bien que strictement encadrée par la loi. En marketing multiniveau, le membre acquiert le statut de vendeur à domicile indépendant (VDI). Il ne vit pas du recrutement de nouveaux membres.
Anne-Sophie Bedel avec Erwan Seznec ([email protected])
Lien sur l'article original de Que Choisir